L’illicéité de la preuve en matière civile : un équilibre délicat entre droit à la preuve et respect des droits fondamentaux

La Cour de Cassation s’est récemment prononcée sur un aspect fondamental de la procédure civile, à savoir les conditions d’admissibilité des preuves obtenues de manière illicite ou déloyale.

L’arrêt rendu le 12 février 2025, par la chambre commerciale, met en lumière les nouvelles exigences en matière de production de preuves.

Un principe désormais reconnu : l’illicéité de la preuve n’entraîne pas systématiquement son écarter des débats

L’article 6, § 1, de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales, qui garantit un procès équitable, fait désormais l’objet d’une interprétation nuancée par la Cour de Cassation.

Dans un arrêt récent, la haute juridiction a précisé qu’une preuve obtenue de manière illicite ou déloyale ne devait pas être automatiquement écartée du débat. Le juge, lorsqu’une telle question lui est soumise, doit apprécier si cette preuve porte atteinte à l’équité de la procédure dans son ensemble. Il devra alors opérer une mise en balance entre le droit à la preuve et les droits antinomiques en présence, en tenant compte de la nécessité et de la proportionnalité de l’atteinte.

La preuve déloyale : un équilibre fragile entre droit à la preuve et respect des libertés fondamentales

L’un des principaux enjeux de cette nouvelle jurisprudence réside dans la gestion de la balance entre la protection des droits fondamentaux des parties en présence et le droit à la preuve, qui permet d’assurer le bon déroulement du procès. Dans certains cas, la production d’une preuve déloyale peut être justifiée, à condition qu’elle soit indispensable à l’exercice du droit à la preuve et que l’atteinte aux droits des parties soit strictement proportionnée au but poursuivi.

Cependant, cette solution n’est pas sans poser des difficultés, notamment lorsqu’il s’agit de documents protégés par des secrets légaux, comme le secret médical ou le secret des affaires, qui peuvent se voir présentés en justice si cela s’avère nécessaire pour établir la vérité.

Un récent arrêt appliquant cette jurisprudence : l’exemple d’un acte déloyal d’obtention de preuve

Dans l’affaire jugée le 12 février 2025, une société avait fait appel à un huissier de justice pour collecter des éléments de preuve concernant une éventuelle concurrence déloyale, sur l’ordinateur professionnel de son ancienne gérante. Le problème résidait dans le fait que l’huissier de justice était le frère du nouveau gérant de la société, ce qui soulevait des préoccupations sur l’indépendance de l’opération. La Cour d’appel, confirmée par la chambre commerciale, a estimé que cette action constituait une tentative déloyale de collecter des preuves. L’acte de l’huissier et les éléments de preuve obtenus ont ainsi été écartés des débats.

Les entreprises face à un risque accru de voir leurs preuves écartées

Cet arrêt illustre une application stricte de la jurisprudence sur la déloyauté des preuves. Les entreprises doivent désormais être particulièrement vigilantes quant à la manière dont elles collectent leurs preuves, sous peine de voir leurs efforts pour démontrer leurs droits dans un procès anéantis par une violation des principes d’équité. Si la production de preuves déloyales n’est pas toujours interdite, elle peut, en l’absence de nécessité impérieuse, entraîner leur inadmissibilité en justice.

Conclusion : un principe de proportionnalité au cœur de la procédure

L’arrêt du 12 février 2025 rappelle que les entreprises doivent faire preuve de prudence dans leurs démarches de collecte de preuves et s’assurer que ces dernières respectent non seulement la loi, mais aussi les principes d’indépendance et de loyauté qui régissent le procès civil. Le juste équilibre est complexe à atteindre, mais il est nécessaire pour garantir que la justice soit rendue dans les meilleures conditions possibles.

Cass. com, 12 février 2025, n°23-18.415