La clause de non-sollicitation de clientèle ne doit pas servir à favoriser le vendeur d’un fonds de commerce dans son procès avec ses anciens partenaires.
Une clause de non-sollicitation de clientèle suppose que l’interdiction posée par celle-ci soit proportionnée à l’intérêt protégé. Ainsi, le vendeur d’un fonds de commerce ne peut pas imposer à l’acquéreur de ne traiter « aucune opération » avec certains de ses anciens partenaires contractuels avec lesquels il est en litige, dès lors qu’une telle interdiction engendre pour le cessionnaire une baisse importante de son chiffre d’affaires et n’est justifiée, pour le cédant, que par sa volonté d’aboutir à un accord transactionnel avec ces partenaires.
La condamnation du cédant d’un fonds de commerce
Une cession d’un fonds assortie d’une clause de non-sollicitation de clientèle
Dans le cadre d’une cession d’un fonds de commerce, le cessionnaire s’engage à ne traiter « aucune opération » avec 4 sociétés identifiées, qui sont des anciens fournisseurs exclusifs et clientes du cédant, compte tenu de leurs relations conflictuelles avec ce dernier et de procédures judiciaires les opposant, notamment pour concurrence déloyale.
Selon les termes du contrat, cette clause de non-sollicitation de clientèle est applicable jusqu’à l’issue des contentieux en cours et pendant une durée qui ne pourra excéder 36 mois. En contrepartie, le prix de cession du fonds de commerce est minoré.
À noter. Pour être licite, la clause de non-sollicitation de clientèle suppose que :
-elle soit limitée dans le temps ;
-elle protège un intérêt légitime ;
-l’interdiction posée soit proportionnée à l’intérêt protégé.
La clause réputée non-écrite par la cour d’appel
Le cessionnaire estime que le respect de la condition imposée par la clause de non-sollicitation l’empêche de réaliser un important chiffre d’affaires. De ce fait, il assigne le cédant en paiement de dommages et intérêts.
Il obtient gain de cause devant la cour d’appel. Les juges déclarent la clause de non-sollicitation de clientèle non écrite et condamnent le cédant à payer une indemnité d’un montant de 7 500 € au cessionnaire.
Une clause de non-sollicitation de clientèle disproportionnée
Le recours du cédant
Le cédant se pourvoit en cassation. Il soutient, d’une part, que la clause de non-sollicitation est, à la fois, limitée dans le temps et à 4 sociétés. Ainsi, cela n’empêchait pas le cessionnaire de développer son activité avec d’autres clients.
D’autre part, il invoque que la clause est proportionnée aux intérêts à protéger et qu’il ne dispose pas d’un autre moyen pour favoriser une solution transactionnelle avec ses anciens fournisseurs et clients.
Une perte de chiffre d’affaires non justifiée
La Cour de cassation rejette la demande du cédant. Selon elle, la clause de non-sollicitation de clientèle est disproportionnée par rapport à l’intérêt protégé. Elle se fonde sur les éléments suivants :
- la généralité des termes employés dans la clause, notamment « aucune opération », entraîne une impossibilité pour le cessionnaire de nouer une quelconque relation commerciale avec certains partenaires contractuels du cédant ;
- par la mise en oeuvre de cette clause, le cédant n’envisage pas de protéger son secteur d’activité ou d’éviter toute concurrence mais souhaite limiter les interférences dans le déroulement des procédures judiciaires en cours ;
- la clause générant une perte importante de chiffre d’affaires pour le cessionnaire porte atteinte à la liberté du commerce et d’industrie, et peu importe si la vente du fonds a été faite à moindre prix.
Cass. com. 20 octobre 2021, n°19-22546