Licenciement fondé sur des faits relevant de la vie personnelle ou de l’intimité

Licenciement fondé sur des faits relevant de la vie personnelle ou de l’intimité de la vie privée : quelles conséquences ?

Dans deux arrêts du 25 septembre 2024 (n° 23-11.860 et n° 22-20.672), la chambre sociale de la Cour de cassation affine sa jurisprudence relative au licenciement fondé sur des faits survenus en dehors du cadre professionnel.

Ces décisions rappellent que si l’employeur peut, dans certaines circonstances, sanctionner un salarié pour des faits tirés de sa vie personnelle, il ne saurait en revanche fonder un licenciement, même partiellement, sur des éléments relevant de l’intimité de la vie privée, sans encourir la nullité de la rupture du contrat de travail.

Vie personnelle : un licenciement possible, mais strictement encadré

Dans l’affaire n° 22-20.672, la Cour était saisie du cas d’un conducteur de bus licencié pour faute grave après un dépistage positif au cannabis, réalisé en dehors de ses heures de travail.

La Cour a rappelé que si des faits relevant de la vie personnelle du salarié peuvent, dans des cas exceptionnels, justifier une sanction disciplinaire, encore faut-il qu’ils traduisent un manquement aux obligations découlant du contrat de travail. En l’espèce, en l’absence de tout impact sur l’exécution du contrat ou sur la sécurité dans le cadre professionnel, le licenciement est jugé sans cause réelle et sérieuse, mais non nul.

Intimité de la vie privée : la protection d’une liberté fondamentale

Dans la seconde affaire (n° 23-11.860), un salarié avait été licencié pour avoir échangé des propos sexistes via la messagerie instantanée professionnelle. Or, ces échanges avaient été clairement identifiés comme privés.

Pour la Cour de cassation, ces messages relevaient de l’intimité de la vie privée du salarié et, à ce titre, bénéficiaient de la protection du secret des correspondances, en application de l’article 8 de la Convention européenne des droits de l’homme. En fondant, fût-ce partiellement, la rupture du contrat de travail sur ces éléments, l’employeur a porté atteinte à une liberté fondamentale : le licenciement est donc entaché de nullité.

Une distinction aux conséquences pratiques importantes

Ces décisions illustrent l’importance de distinguer clairement les notions de vie personnelle et d’intimité de la vie privée. La qualification retenue emporte des conséquences juridiques majeures :

  • En cas d’atteinte à une liberté fondamentale (intimité de la vie privée), la sanction est la nullité du licenciement. Le salarié peut alors prétendre à une réintégration, ou, à défaut, à une indemnité minimale équivalente à six mois de salaire, en dehors de tout barème.
  • En revanche, lorsque le licenciement est simplement dépourvu de cause réelle et sérieuse (faits relevant de la vie personnelle, sans manquement contractuel), les indemnités allouées sont encadrées par le barème Macron.

Cass. soc, 25 septembre 2024, n°23-11.860 et n°22-20.672