La majorité comme règle essentielle des décisions collectives

Le 15 novembre 2024, la Cour de cassation, réunie en assemblée plénière, a rendu un arrêt marquant concernant les modalités d’adoption des décisions collectives au sein des sociétés par actions simplifiées (SAS). Cette décision s’inscrit dans un contexte où la SAS, formée il y a plus de 30 ans, est désormais la structure sociétaire la plus prisée en France. L’arrêt réaffirme un principe fondamental : les décisions collectives des associés dans une SAS ne peuvent être valablement prises que si elles réunissent une majorité des voix exprimées.

I. Le contexte de la décision

L’affaire soumise à la Cour de cassation portait sur la validité d’une décision d’augmentation de capital adoptée dans une société par actions simplifiée. Les statuts de la société permettaient l’adoption de décisions à la « majorité du tiers » des droits de vote des associés présents ou représentés. Conformément à cette règle, une résolution concernant l’augmentation du capital avait été adoptée avec seulement 46 % de voix favorables, bien que 54 % des voix exprimées y soient opposées.

Les associés majoritaires ont contesté cette décision, arguant que la règle de la « majorité du tiers » ne pouvait pas être appliquée, car elle contredisait le principe de la majorité simple des voix exprimées. Après un renvoi de la Cour d’appel, qui avait validé la clause statutaire, la Cour de cassation a tranché en assemblée plénière.

II. Le principe de majorité absolue réaffirmé

La Cour de cassation, dans un attendu solennel, a estimé que toute décision collective dans une SAS, qu’elle soit imposée par la loi ou décidée par les statuts, doit recueillir la majorité des voix exprimées pour être valide. Ce principe est fondé sur l’idée que les décisions collectives doivent refléter la volonté générale des associés.

L’arrêt annule ainsi la délibération d’augmentation du capital de la société, soulignant que le droit des minoritaires ne doit pas primer sur celui de la majorité. La Cour considère qu’une règle statutaire prévoyant une adoption à un seuil inférieur à la majorité des voix exprimées porterait atteinte au bon fonctionnement de la société, risquant de permettre la prise de décisions contradictoires au sein de la même assemblée.

La Cour s’appuie sur l’article L. 227-9 du Code de commerce, qui permet aux statuts de déterminer les modalités de prise de décision, mais qui impose une limitation à cette liberté statutaire : les décisions doivent refléter un consensus des associés, avec une majorité claire des voix exprimées.

III. Une décision marquante pour l’équilibre entre liberté statutaire et principe démocratique

Cet arrêt réaffirme le rôle de la majorité dans les sociétés par actions simplifiées, mettant en lumière une tension entre la liberté contractuelle et la nécessité d’une gestion cohérente et démocratique. Bien que la SAS permette une grande liberté dans l’organisation des décisions collectives, cette décision de la Cour de cassation rappelle que cette liberté ne doit pas être utilisée pour permettre à une minorité de dicter sa volonté, surtout dans des décisions ayant un impact stratégique sur l’entreprise.

Ce principe de majorité simple apparaît comme une garantie de légitimité et de transparence dans la prise de décision au sein de la société. Il protège également les droits des associés majoritaires, en assurant qu’une minorité ne puisse imposer des décisions contre la volonté de la majorité des voix exprimées.

IV. Conclusion

L’arrêt du 15 novembre 2024 marque un tournant important dans la manière dont les décisions collectives sont régies au sein des SAS. En réaffirmant l’importance de la majorité des voix exprimées, la Cour de cassation impose une règle stricte qui vise à préserver l’équilibre entre la liberté statutaire des associés et les principes démocratiques essentiels au bon fonctionnement de la société.

Cass. ass. plén, 15 novembre 2024, n°23-16.670