Le gouvernement a présenté, mercredi 24 mai, en conseil des ministres, son projet de loi sur le partage des valeurs en entreprise. Le texte est une transposition « fidèle » de l’accord national interprofessionnel (ANI) signé le 10 février dernier par les partenaires sociaux.

L’accord interprofessionnel vise à améliorer et étendre l’application des dispositifs de partage des valeurs tel que l’intéressement et la participation notamment dans les entreprises de moins de 50 salariés.

L’avant-projet s’articule autour de trente-six articles, 7 points sont à retenir :

  1. Facilité la mise en place de la participation dans les entreprises de moins de 50 salariés en autorisant une formule dérogatoire de participation

Il convient tout d’abord de rappeler que la participation et l’intéressement sont des dispositifs d’épargne salariale collectif qui permettent d’associer les salariés aux bénéfices (la participation) et aux performances (l’intéressement) de l’entreprise.

L’intéressement est une prime facultative alors que la participation est un dispositif obligatoire dans les entreprises d’au moins 50 salariés.

Il est possible pour les entreprises employant moins de 50 salariés de mettre en place un tel système d’épargne salarial soit en adhérant à un accord type soit en concluant, manière volontaire, un accord de participation au sein de l’entreprise.  

Pour calculer la participation qui devra être versé aux salariés, la loi prévoit une formule qui prend notamment en compte le bénéfice net, les capitaux propre, les salaires ainsi que la valeur ajoutée de l’entreprise.

Actuellement, l’article L.3324-2 du Code du travail prévoit la possibilité pour les entreprises de recourir à une formule dérogatoire à la formule légale de participation à condition que celle-ci est soit aussi favorable pour les salariés.

Afin de faciliter la généralisation des dispositifs de partage de valeur, l’avant-projet de loi met en place à titre expérimental et pour une durée de 5 ans une nouvelle mesure qui permet aux entreprises de moins de 50 salariés d’appliquer une formule dérogatoire de participation pouvant mener à un résultat moins favorable pour les salariés que la formule légale.

Ainsi, avant le 30 juin 2024, chaque branche professionnelle devra ouvrir des négociations dont l’objectif sera de mettre à disposition des entreprises de moins de 50 salariés un accord de participation comportant une formule dérogatoire.

  1. L’obligation d’instituer un mécanisme de partage des valeurs dans les entreprises de 11 à 49 salariés réalisant un bénéfice fiscal net

L’article 3 de l’avant-projet de loi institue la mise en place obligatoire, dans toutes les entreprises rentables dont l’effectif est d’au moins 11 salariés et de moins de 50 salariés, à partir du 1er janvier 2025, d’un dispositif de partage des valeurs.

Ainsi, les entreprises qui ont réalisé un bénéfice net fiscal au moins égal à 1% du chiffre d’affaires pendant 3 exercices consécutifs et répondent à la condition tenant à l’effectif salarial seront obligées de mettre en place un dispositif d’épargne salarial.

Les entreprises devront soit :

  • Se doter d’un dispositif de participation ou d’intéressement ;
  • Abonder un plan d’épargne salarial tel qu’un PEE ;
  • Verser une prime de partage de valeur (PPV).
  1. L’obligation de prendre en compte les résultats exceptionnels dans les entreprises d’au moins 50 salariés

Le texte institue une obligation pour les entreprises d’au moins 50 salariés, pourvues d’un délégué syndical et soumises à l’obligation de mettre en place un dispositif de participation, de négocier sur les conséquences d’un bénéfice exceptionnel de l’entreprise.

La définition des critères de ce « bénéfice exceptionnel » relèverait de la prérogative de l’employeur.

En cas d’atteinte de ces critères, l’entreprise devra alors recourir soit au versement d’un suppléant de participation ou d’intéressement soit ouvrir des négociations afin de mettre en place un dispositif de partage des valeurs tel que l’abonnement d’un PEE ou le versement d’une prime de partage de la valeur par exemple.

Au moment de l’entrée en vigueur de la loi, toutes les entreprises déjà couvertes par un accord de participation ou d’intéressement devront ouvrir lesdites négociations impérativement avant le 30 juin 2024. 

Il n’échappera à personne que cette nouvelle mesure fait écho au débat sur la taxation des superprofits, relancé récemment par les bénéfices exceptionnels réalisé par certaines grandes entreprises en France.

  1. La création d’un plan de partage de la valorisation de l’entreprise

Dans l’objectif de fidéliser et d’associer les salariés plus concrètement aux résultats, les entreprises pourront verser aux salariés, justifiant d’une certaine ancienneté, une prime de partage de la valorisation de l’entreprise dans le cas où la valeur de la société aurait augmenté sur un cycle de 3 ans.

La prime sera calculée sur la base d’un montant de référence attribué à chaque salarié et modulable en fonction du temps de présence et de la rémunération.

Le pourcentage d’évolution de la valorisation de l’entreprise, qui sera appliqué au montant de référence et qui permettra de déterminer le montant de la prime, pourra correspondre soit à la capitalisation boursière de l’entreprise soit à un ensemble de critères qui seront définis par accord.

La prime bénéficiera d’un régime social et fiscal de faveur, avec notamment une exonération de toutes les cotisations sociales et une exonération d’impôt sur le revenu dans la limite de 5% des ¾ du plafond de la sécurité social.

  1. L’amélioration de la prime de partage des valeurs

La prime de partage de la valeur (PPV), anciennement appelée « prime Macron » est un dispositif facultatif qui permet à un employeur de verser à ses salariés une prime qui bénéficie d’un régime social et fiscal très avantageux.

Le texte ouvre la possibilité aux entreprises d’attribuer deux primes par année civile dans la limite du plafond d’exonération (3 000 ou 6 000 euros selon les cas) et de la placer sur un plan d’épargne salariale ou d’épargne retraite.

Également, l’accord prévoit le maintien, dans les entreprises de moins de 50 salariés, du régime d’exonération sociale et fiscale renforcé jusqu’au 31 décembre 2026.

Pour rappel, jusqu’au 31 décembre 2023, les PPV versées à des salariés dont la rémunération est inférieure à 3 fois le salaire minimum bénéficient en plus de l’exonération de cotisations sociales, d’une exonération de CSG / CRDS, de forfait social et d’impôt sur le revenu dans la limites des plafonds d’exonération susmentionnés.

A partir du 1er janvier 2024, la prime sera en principe soumise à la CSG / CRDS et à l’impôt sur le revenu.

Ainsi, l’avant-projet de loi prévoit une dérogation temporaire au basculement devant avoir lieu en 2024. En effet, le régime fiscal et social de faveur continuerait à s’appliquer dans les entreprises de moins de 50 salariés pour les primes versées aux salariés payés moins de 3 fois le SMIC jusqu’au 31 décembre 2026.

  1. Le développement de l’actionnariat salarié grâce à l’augmentation du plafond global d’attribution gratuites d’actions

Le texte propose certaines modifications des limites individuelles et collectives concernant le régime d’attribution gratuites d’actions.

Ainsi, l’avant-projet de loi prévoit que le nombre total maximum des actions distribués gratuitement passerait de 10 à 15% pour les grandes entreprises et de 15 à 20% pour les TPE et PME.

En cas de distribution d’actions gratuites qui bénéficierait à l’ensemble des salariés, il serait dorénavant possible d’attribuer jusqu’à 40% du capital social, contre 30% aujourd’hui.

Le texte instaure toutefois un plafond intermédiaire à 30% pour les attributions bénéficiant à des salariés représentant au moins 25% du total des salaires bruts versés lors du dernier exercice social et au moins 50% de l’effectif salarié de l’entreprise.

Le calcul de la limite individuelle serait également aménagé.

En effet, le texte propose d’exclure du pourcentage maximum du capital social (fixé à 10%), les titres de la société détenus depuis au moins 7 ans par un salarié ou mandataire social afin que ce dernier puisse bénéficier de la distribution d’actions gratuites.

  1. La révision des classifications professionnelles de branches

Enfin, le texte prévoit un renforcement du dialogue social sur les classifications avec l’obligation d’engager au niveau des branches professionnelles une négociation sur la nécessité de réviser les classifications avant le 31 décembre 2023.

Cette obligation concernerait toutes les branches n’ayant pas procédé à cet examen depuis plus de 5 ans.

En effet, l’avant-projet estime nécessaire ce réexamen régulier des classifications « qui constituent un levier important dans la valorisation des parcours des salariés et de reconnaissance des qualifications ».