Altercation violente entre des délégués syndicaux : l’employeur doit réagir même si les faits se déroulent pendant l’exercice des fonctions. A défaut, il est sanctionné par une condamnation en dommages et intérêts.


Dans cette affaire, le salarié avait exercé plusieurs mandats de représentant du personnel de 1991 à 1997, puis de 2008 à 2011. Il avait par la suite été licencié pour faute en juin 2016.

Il demandait l’annulation de son licenciement ainsi que des dommages et intérêts à son employeur pour ne pas avoir pris des mesures face à son harcèlement moral et à la  discrimination syndicale, dont il était victime.

Les juges du fond considèrent que son licenciement était nul, mais le déboutent de ses demandes liées au harcèlement et à la discrimination.

Le salarié s’est donc pourvu en cassation sur ces points, avec succès.

Une agression entre deux délégués syndicaux

Le salarié qui exerçait un mandat syndical avait été victime d’insultes et de violences de la part d’un autre délégué syndical, en juillet 2009, dans le couloir des locaux mis à disposition des syndicats par la société. L’agresseur entendait s’opposer à l’accès du salarié à ces locaux syndicaux, alors que celui-ci était légitime à y entrer, en lui serrant le cou avec son avant-bras.

Le salarié avait informé son employeur de ces faits et lui avait adressé la plainte déposée auprès des forces de police, ainsi que la décision de rappel à la loi prise le 4 septembre 2009 par le procureur de la République.

La société n’avait diligenté aucune enquête, ni pris aucune sanction contre le délégué syndical et avait même maintenu les deux salariés au sein du même service en dépit des demandes du salarié victime.

Ce dernier avait d’ailleurs ensuite subi des actes d’intimidation du délégué syndical, portés à la connaissance de son employeur par un courrier de mars 2010, sans que la société ne prenne aucune mesure pour remédier à cette situation.

Pour la Cour d’appel, l’argument de l’employeur qui justifiait son absence de réaction par le fait que la violente altercation entre les deux salariés a eu lieu dans le cadre de l’exercice de leurs fonctions syndicales et à un horaire où ils étaient en période de délégation syndicale et que le rappel à la loi n’était est pas revêtu de l’autorité de la chose jugée.

Ils en déduisaient que les décisions prises par la société étaient justifiées par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement moral ou discrimination.

Pour la Cour de cassation, la carence de l’employeur est injustifiée

Pour la Cour de Cassation, des faits de violence et d’intimidation commis dans l’entreprise par un salarié protégé caractérisent un abus dans l’exercice du mandat et un manquement aux obligations découlant du contrat de travail pouvant justifier le prononcé d’une sanction disciplinaire.

Par conséquent, la circonstance que ces faits soient survenus dans le cadre de l’exercice du mandat n’est pas de nature à justifier la carence de l’employeur.

La Cour de cassation confirme ainsi sa position, en précisant que le salarié peut être sanctionné pour des faits de violence ou d’abus commis dans le cadre de son mandat (cass. soc. 2 juillet 2015, n° 14-15829 D ; cass. soc. 23 octobre 2019, n° 17-28429 D ; cass. soc. 13 janvier 2021, n° 19-20781 D).

Cass. soc. 24 novembre 2021, n° 19-25145 D